Il faut dire “non” à la Constitution européenne pour garder notre souveraineté nationale

Les Français auront cinq bonnes raisons de voter “non”, le dimanche 29 mai.

Première raison : la Constitution européenne est incompatible avec la souveraineté de la France, puisqu’elle est justement une “Constitution” et qu’elle affirme la primauté du droit de l’Union sur les Constitutions nationales.

Deuxième raison : elle est incompatible avec l’identité de l’Europe, puisqu’elle ne définit pas les frontières de celle-ci ni ne contient de référence aux valeurs chrétiennes, préparant ainsi l’élargissement à la Turquie (ce pays asiatique et musulman a déjà signé le projet de Constitution, en tant qu’observateur).

Troisième raison : la Constitution européenne est incompatible avec les valeurs de la démocratie, puisqu’il n’existe pas de “peuple européen” qui puisse se substituer aux peuples de chacune des nations.

Quatrième raison : elle est incompatible avec les principes du libéralisme, car elle qualifie de “principes” ou “droits fondamentaux” des notions floues, comme le “développement durable”, qui sont susceptibles de nourrir le procès fait à la liberté d’entreprise.

Cinquième raison : elle est incompatible avec l’indépendance de l’Europe, dans la mesure où elle subordonne sa défense aux décisions de l’O.T.A.N., et donc des Etats-Unis d’Amérique.

Le premier point est déterminant, car, si nous gardons notre souveraineté, nous serons à même de maintenir notre identité, de protéger la démocratie, de veiller à notre indépendance, et même d’effectuer, un jour, les réformes libérales dont notre économie a besoin.

La souveraineté nationale

Le grand juriste français Raymond Carré de Malberg (1861-1935) définissait ainsi la souveraineté, du point de vue juridique : “Dans son sens originaire(ce mot) désigne le caractère suprême d’une puissance pleinement indépendante (…). La souveraineté, c’est la négation de toute entrave ou subordination.” Ainsi comprise, la souveraineté existe forcément quelque part, car, si un pouvoir n’est pas souverain, cela signifie qu’il est subordonné à un autre, qui lui est supérieur, et il faut bien qu’en remontant la hiérarchie des pouvoirs il y ait au sommet un pouvoir souverain.

La France demeure officiellement une nation souveraine. Selon l’article 3 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, “le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation”. Et, selon l’article 3 de la Constitution de la Ve République, “la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum”. On nous assure, cependant, que les souverainetés nationales seraient dépassées, à l’ère de la mondialisation. De la même manière, on nous disait autrefois que l’économie moderne était devenue trop complexe pour être abandonnée à l’anarchie du marché, qu’il fallait donc donner tous les pouvoirs à l’Etat pour l’organisation de la production et supprimer les libertés individuelles. On sait maintenant que la liberté est la seule réponse possible à la complexité. Or, la souveraineté est aux nations ce que la liberté est aux individus. Il faut donc croire que l’ordre du monde sera meilleur s’il repose sur la libre coopération de nations souveraines.

Le fait est que l’on assiste, depuis un siècle, à la disparition des empires : l’Autriche-Hongrie et l’empire ottoman, au lendemain de la Première guerre mondiale ; les empires coloniaux de la France, de l’Angleterre et du Portugal, à partir de 1960 ; l’empire soviétique, puis les deux petits “empires” que constituaient la Yougoslavie et la Tchécoslovaquie, autour de 1990. La volonté des européistes de constituer des Etats-Unis d’Europe va ainsi au rebours des tendances lourdes de l’histoire.

La primauté du droit européen

Le traité de Maëstricht, adopté en 1992, établissait déjà les germes d’un Etat supranational. “La France est déterminée à jeter les bases d’une union à vocation fédérale, expliquait Roland Dumas, ministre des affaires étrangères, à l’Assemblée nationale, le 27 novembre 1991. (…) Nous avons pris pour Maëstricht le parti d’une mutation fondamentale vers une entité supranationale.” Mais les juridictions françaises avaient continué à affirmer, jusqu’à présent, que la Constitution nationale l’emportait sur le droit européen. Le projet de Constitution européenne est essentiellement le moyen, pour les européistes, de réaliser les promesses de Maëstricht, en faisant disparaître définitivement le principe de souveraineté nationale, et en imposant, par voie de conséquence, la primauté de la loi européenne sur les Constitutions nationales.

C’est pour cela que ce “traité” est défini comme une “Constitution” et qu’il affirme, en son article I-6 : “La Constitution et le droit adopté par les institutions de l’Union, dans l’exercice des compétences qui sont attribuées à celle-ci, priment le droit des États membres.” Comme le souligne Georges Berthu, “cet article est fondamental, car il aboutirait à graver dans le marbre de la Constitution (…) le principe de supériorité absolue du droit communautaire qui résulte d’une dérive jurisprudentielle continue aboutissant aujourd’hui à sceller la subordination des nations” (L’Europe sans les peuples – Commentaire du projet de Constitution européenne, 2e édition, François-Xavier de Guibert, 2004, p. 60). D’autant que, selon une déclaration des chefs de gouvernement, annexée au projet, “l’article I-6 reflète la jurisprudence existante de la Cour de justice des Communautés européennes et du Tribunal de première instance”, et que ces juridictions ont toujours affirmé la supériorité du droit européen sur les Constitutions nationales.

La trahison du Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel français a prétendu concilier l’inconciliable, dans sa décision du 19 novembre 2004, en soutenant que la souveraineté nationale pourrait subsister sous la Constitution européenne. Dans le commentaire de sa décision, il explique, en effet, que les règles constitutionnelles françaises devraient “céder le pas” à la loi européenne, à la seule exception des “dispositions non seulement expresses de la Constitution française, mais spécifiques à cette dernière”. Vient alors cet aveu : “Les inconvénients pratiques d’une telle lecture pour la cohérence de la construction européenne sont négligeables, car la réserve de constitutionnalité qu’elle laisse subsister (…) ne touche qu’un petit nombre de matières (…) sur lesquelles il est fort douteux que l’Union entende interférer.

Ainsi décodée, la décision du Conseil paraît signifier que les Français pourront dire “oui”, sans remords, à la Constitution européenne, puisque celle-ci n’abolit pas tout à fait la souveraineté nationale… mais que cette dernière n’aurait plus désormais qu’une existence virtuelle.

Puisque la souveraineté nationale serait devenue un vestige, n’ayant plus jamais à s’exercer, les Français seraient préparés à accepter, sans réagir, le coup de grâce que représenterait le changement de jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui, un jour, choisirait une autre “lecture”, considérant qu’après tout cette Constitution européenne, approuvée par référendum, est bel et bien une Constitution… Si le “oui” devait l’emporter, le peuple souverain l’aurait été pour la dernière fois.

Les jurisconsultes équivoques de la rue de Montpensier ont joué leur rôle dans le processus éprouvé des institutions européennes, inspiré de la technique du “voleur chinois”, qui conduit les peuples, à leur insu, dans une direction qu’ils n’ont pas choisie, en leur mentant, à chaque étape, sur le véritable objectif.

Les Français ne se laisseront pas abuser. Ils voteront “non” le 29 mai, pour rester fidèles aux principes de la République, en gardant leur souveraineté nationale.

N.B. : une version abrégée de cet éditorial a été publiée dans Minute le 13 avril 2005.