Sécurité sociale et démocratie

par Yvan Blot

 Pour comprendre la nature d’une institution, il faut toujours en revenir à ses origines. La sécurité sociale est née d’un besoin spécifique provoqué par le grand déracinement de la révolution industrielle. Elle fut un remède ou un baume rendu nécessaire par la massification de la société. Le déclin des solidarités spontanées, familiales, religieuses, ou rurales dans les grandes agglomérations industrielles a été à l’origine du mouvement qui, dès la fin du XIXe siècle, a conduit à mettre en place le mécanisme de sécurité sociale. Curieusement, d’ailleurs, ce ne sont pas des hommes de gauche, mais plutôt des aristocrates, sensibles à la question sociale, qui furent à l’origine des assurances sociales. Bismarck fut le type même de l’homme d’État conservateur, profondément anti socialiste, s’appuyant sur un parti national et libéral, qui s’engagea le premier dans cette voie.

  Le but était, alors, de sauvegarder la société ouvrière, la cohérence de la famille et d’affaiblir l’attrait du mouvement socialiste naissant. Comme beaucoup d’institutions du début du XXe siècle, il s’agissait de suppléer aux faibles ressources des individus par un système de solidarité collective et obligatoire, sous le contrôle étroit de l’appareil de l’État. Ce système répondait aux besoins psychologiques de la société nouvelle, besoins de solidarité et de sécurité. Il ne mettait pas la liberté au premier rang, car telle n’était pas la préoccupation, surtout dans les populations toujours déracinées et souvent miséreuses qui composaient la classe ouvrière.

  Au contraire, la démocratie est une institution qui affirme la force de l’individu enraciné, attaché à ses libertés. La démocratie s’est développée dans les petites communautés rurales et montagnardes, cohérentes comme celles de la Suisse ou dans les villes libres, dès le moyen-âge, sous une forme plutôt oligarchique. Au XXe siècle, la démocratie représentative moderne, née dans les pays anglo-saxons, Amérique et Angleterre, se propage d’ouest en est. Deux pays vont plus loin que les autres, les États-Unis surtout dans l’ouest, et la Suisse, où, pour des raisons historiques très différentes, se développe une véritable démocratie directe, avec le recours fréquent à des référendums d’initiative populaire.


  Autrement dit, la sécurité sociale est née là où la masse s’est substituée au peuple. Elle tendait à remédier aux conséquences sociales préoccupantes de la massification, alors qu’au contraire la démocratie est née là où le peuple était fort, dans un monde parfois rural, comme c’était le cas des cantons suisses. On voit bien que ces institutions, sécurité sociale d’un côté et démocratie de l’autre, se sont développées non seulement indépendamment, mais à partir d’un terreau sociologique profondément hétérogène. Bismarck n’était pas un démocrate et, à l’inverse, les États-Unis resteront longtemps l’État le plus rebelle à une protection sociale collective organisée à partir du centre. Cependant, on a pu noter au début du XXe siècle un déclin de la démocratie, pendant que les systèmes de sécurité sociale devenaient de plus en plus étendus, pesants et centralisés. 
  C’est ainsi qu’au début du XXe siècle apparaît une ère de dirigisme ; l’État dirige de plus en plus l’économie, le Parlement voit ses pouvoirs réels décliner au profit de l’exécutif, qui devient un véritable pouvoir gouvernemental autonome et l’administration maîtrise de plus en plus le mécanisme gouvernemental. Les hommes politiques eux-mêmes sont le plus souvent des fonctionnaires. Ce n’est que récemment qu’apparaît un mouvement inverse, chez les électeurs, d’ailleurs, bien plus qu’au sein des élites du système politique. Des aspirations à plus de liberté, plus d’enracinement se font jour. Une majorité de la population devient hostile à l’augmentation des prélèvements obligatoires ; le goût pour les grands appareils bureaucratiques centralisés s’estompe ; dans l’entreprise, on redécouvre l’efficacité de la P.M.E., l’exigence de la qualité des produits se substitue à celle de la quantité. Comment un tel mouvement sociologique, aussi profond dans l’ensemble du monde développé, n’atteindrait-il pas la sécurité sociale ?

  Je voudrais ajouter un troisième terme à notre réflexion sur les rapports entre la sécurité sociale et la démocratie : le marché. Car la démocratie, qui présente des analogies avec le marché, puisqu’elle repose sur les libres décisions des individus, est un mécanisme distinct, propre au monde politique. L’entreprise, par exemple, n’est pas une démocratie. Elle n’a pas vocation à l’être, car elle ne travaille pas pour elle-même, mais pour des clients extérieurs, qui ne sont pas associés à sa direction. Les deux institutions de l’entreprise et de la démocratie coexistent depuis longtemps, elles sont sans doute complémentaires, mais pas identiques. Toutefois, elles ont un point commun : l’entreprise est sous la surveillance du marché, de sa clientèle ; le gouvernement est sous la surveillance du peuple, si l’on est dans un véritable régime démocratique. Par conséquent, dans les deux cas, même si les mécanismes ne sont pas les mêmes, le principe de responsabilité a pour but d’éviter les détournements de finalité. L’entreprise qui ne sert pas ses clients est, tôt ou tard, acculée à la faillite ; le gouvernement qui ignore superbement la volonté des citoyens doit être battu lors des élections, ou des référendums, s’il y en a.

  Quelle est la nature de l’organisation actuelle de notre sécurité sociale ? Telle est bien la véritable question, du point de vue de la sociologie politique. Ou bien la sécurité sociale est une sorte d’entreprise, qui livre des services d’assurance sur un marché, et à ce moment-là on pourrait imaginer qu’elle échappe aux règles de la démocratie, puisqu’elle subit le contrôle du marché, ou alors la sécurité sociale est une sorte de démembrement de l’État, un organisme analogue à toute autre administration et, dans ce cas, elle devrait être soumise au contrôle démocratique des citoyens. Dans la mesure où les ressources de la sécurité sociale sont obtenues par la contrainte et non volontairement, et c’est là, à mon avis, un critère tout à fait essentiel, on est beaucoup plus proche du deuxième cas de figure que du premier : et pourtant la sécurité sociale échappe très largement au contrôle démocratique. La démocratie suppose notamment que l’impôt ne puisse être levé que par le consentement des citoyens ou de leurs représentants. 

  En Suisse, nous avons l’exemple de l’institution progressive de mécanismes de sécurité sociale dans le cadre d’un régime beaucoup plus démocratique que le nôtre. Le régime de l’A.V.S., c’est-à-dire l’assurance-vieillesse des survivants, est soumis à la loi. Le Parlement vote les augmentations de cotisations, il vote également le montant des prestations et, lorsque l’on crée un impôt nouveau, il faut un référendum obligatoire, car c’est de la compétence de la Constitution. Ce régime ne repose pas sur l’évidence de droits sociaux inscrits dans la Constitution, car, contrairement à celle de la France, la Constitution suisse ne comprend pas de droits sociaux ; plus encore, toutes les initiatives populaires qui ont voulu introduire des droits sociaux ont été systématiquement repoussées par le peuple, comme celles qui viseraient à créer un droit au travail, en 1946 et 1947, ou un droit au logement, en 1970. L’A.V.S. ne se fonde pas sur un droit social, mais sur l’article 34 de la Constitution, voté en 1925, qui donnait mandat au Parlement de créer un mécanisme d’assurance sociale. Une première loi fut alors rejetée par le référendum en 1931 et, pendant la guerre, le Conseil fédéral, nanti des pleins pouvoirs, profita de cette situation pour créer une cotisation de 4 %, qui, après la guerre, servit de base financière au nouveau système. A ce moment, trois experts conçurent un projet d’ensemble, le député Saxer, le mathématicien Kaiser et un juriste, H. Binswanger, qui est devenu plus tard directeur d’une grande compagnie d’assurance privée. Ils préparèrent un projet de loi qui fut ratifié par un référendum, le 6 juillet 1947, par 80 % des électeurs. L’A.V.S. est donc un régime d’assurance obligatoire et général financé à l’origine par un prélèvement de 4 % sur les salariés. Elle fournit une assurance de base, qui joue un rôle d’autant moins grand que le salaire est élevé. L’État procure, sur son budget, un tiers des recettes et, en échange, il fournit les prestations complémentaires aux assujettis les moins fortunés.

  Ce système de la rente de base implique, par définition, que le rentier a bien d’autres ressources et c’est ce que l’on appelle la doctrine des trois piliers. La vieillesse doit être en effet assurée par un triple système, combinant la rente d’État (c’est l’A.V.S.), qui assure un minimum ; les pensions versées par la profession à partir d’un système d’assurance-capitalisation, d’assurance privée ; et, enfin, l’effort individuel facultatif pur, c’est-à-dire l’épargne libre largement défiscalisée.

  Le premier pilier, l’A.V.S. au sens strict, est un système de répartition, semblable à ce que nous pouvons connaître en France ; le deuxième pilier, qui joue un rôle très important, au niveau des caisses de pensions professionnelles, repose sur la capitalisation des primes ; le premier pilier, qui est un mécanisme efficace contre l’inflation, mais qui suppose une composition démographique stable, est compensé par le deuxième pilier, qui, lui, supporte très bien le vieillissement de la population, puisque c’est un système par capitalisation, mais qui est plus vulnérable à l’inflation ; toutefois, l’inflation en Suisse a toujours été très faible. Les milliards capitalisés dans le deuxième pilier sont réinjectés largement dans le financement du logement ou de l’industrie suisse. C’est donc un système qui apporte des capitaux à l’économie, contrairement au premier pilier, de pure répartition. Il est caractéristique de voir que l’extrême gauche et le parti socialiste suisse s’opposeront toujours à ce système et voudront tout ramener en permanence au premier pilier.


  L’offensive maximale contre ce mécanisme des trois piliers a été lancée en 1969. Le P.C. suisse a déposé une initiative populaire pour supprimer les mécanismes d’assurance par capitalisation et les mécanismes d’assurance privée. Ne voulant pas rester en arrière, le P.S. a déposé, en 1970, une initiative comportant deux piliers, mais avec une préférence très nette pour l’assurance d’État, l’assurance privée devenant un système tout à fait secondaire. Les autres partis politiques déposèrent alors une initiative, par pétition toujours, confirmant la doctrine des trois piliers, le premier assurant un minimum vital, le deuxième permettant de maintenir le niveau de vie antérieur, jusqu’à un certain plafond de revenu, et le troisième complètement libre. L’innovation, dans cette dernière initiative des partis dits bourgeois, était que le deuxième pilier devenait obligatoire. En effet, jusqu’en 1972, le deuxième pilier n’était pas du tout obligatoire. Or, le premier pilier, c’est-à-dire l’assurance d’État, était tellement faible dans son volume qu’on ne pouvait pas se passer du deuxième pilier. La concession à la pression de la gauche était de rendre obligatoire le deuxième pilier. Le gouvernement fit alors un contre-projet à tous ceux des différents partis politiques, qui maintenait la doctrine des trois piliers. Par référendum, ce contre-projet gouvernemental fut largement approuvé et le projet « un seul pilier » fut rejeté. Le texte socialiste fut tout simplement retiré. Le référendum eut lieu le 3 décembre 1972 : l’initiative communiste, qui portait tout l’effort sur l’assurance d’État, fut rejetée par 1.500.000 « non », contre 300.000 « oui », le contre-projet gouvernemental, qui améliorait le niveau des rentes versées par l’A.V.S., qui rendait obligatoires les caisses professionnelles de pension et qui entendait protéger l’épargne privée, fut accepté, au contraire, par 1.400.000 « oui », contre 400.000 « non ». Par la suite, le gouvernement, muni d’une délégation du Parlement, augmenta les rentes et les cotisations. Mais, le 8 décembre 1974, le peuple rejeta par référendum un projet d’augmentation des impôts qui avait pour but de contribuer à l’A.V.S., c’est-à-dire au système d’État. On dut alors, pour des raisons budgétaires, réduire la contribution de l’État à l’A.V.S. et donc faire une part plus importante aux cotisations. Le 12 juin 1977, le peuple rejetait le projet de création d’un impôt nouveau : la taxe sur la valeur ajoutée. L’A.V.S., à ce moment-là, limitée par le blocage des contributions de l’État, ne couvrait plus que 60 % des revenus antérieurs dans les retraites, les 40 % restant couverts par les caisses de pension privées, auxquelles l’affiliation était devenue obligatoire. En raison de ces référendums antifiscaux, le mécanisme privé est sorti renforcé, malgré les tentatives du gouvernement et de la bureaucratie bernoise de renforcer l’A.V.S. au détriment des systèmes privés.

  Depuis 1920, les régimes de prévoyance sociale en Suisse ont fait l’objet de 12 initiatives et de 8 référendums-vetos, ce qui fait que le peuple a été très largement consulté. Il a finalement pris les décisions suivantes, si on essaie de résumer les résultats de tous ces référendums :

1. Il a affirmé qu’il voulait un mécanisme de sécurité sociale pour l’assurance vieillesse (c’est le référendum de 1947).
2. Il a refusé que ce mécanisme soit purement étatique et c’est lui qui a fini par définir progressivement ce mécanisme des trois piliers.

3. Le peuple a refusé une dérive vers la fiscalisation de l’assurance vieillesse, en refusant au gouvernement, à plusieurs reprises, d’augmenter les impôts existants et en lui refusant également de créer un impôt nouveau qui devait en partie financer ce mécanisme de sécurité sociale, c’est-à-dire la T.V.A..

4. Le peuple a approuvé le principe de rendre obligatoires les caisses de pension par capitalisation, dès lors que l’A.V.S. ne pouvait plus garantir qu’un minimum vital, l’A.V.S. étant limité par la progression des impôts.

  La démocratie directe a donc conduit, dans ce pays, à un système assez complexe, où assurance d’État, assurance privée obligatoire et assurance privée facultative se complètent en un tout organique : c’est un mécanisme bien plus libéral que celui que nous connaissons dans notre pays. S’il n’y avait pas eu les référendums, le système aurait été probablement étatisé peu à peu, car il y eut des pressions permanentes, notamment de l’appareil de l’État, pour renforcer le système de base, fondé sur la fiscalité.

  Revenons au système français. Officiellement de droit privé, la sécurité sociale échappe par conséquent au contrôle parlementaire et, a fortiori, au contrôle populaire du référendum. Mais en tant qu’organisme obligatoire et unique, elle échappe au contrôle de la concurrence et du marché ; de plus, les citoyens ignorent ce qu’elle coûte réellement, puisqu’ils n’ont pas connaissance jusqu’à présent, sur leur bulletin de paye, des cotisations dites patronales qui sont retranchées de leur salaire. Ce qui fait que nos concitoyens apprécient les prestations versées, mais sont dans l’illusion de la gratuité d’un système qui en réalité leur coûte fort cher. De plus, les hausses de cotisations sont décidées autoritairement, sans vote du Parlement, sans même parler du vote du peuple, comme il se pratique en Suisse. L’élection des représentants des assujettis dans les conseils d’administration des caisses est une concession, bien faible, à la démocratie. Le système est donc principalement bureaucratique, secondairement « syndicratique » et finalement fort peu démocratique.


  Pour être réaliste, une réforme de la sécurité sociale ne saurait se faire sans l’approbation des Français. C’est en effet à eux de choisir s’ils veulent un système privé, public ou mixte. En Suisse, le jeu de la démocratie directe a permis de dégager cette doctrine des trois piliers, qui, très probablement, pourrait tenter beaucoup de nos concitoyens ; mais cela suppose qu’on puisse les consulter ; cela suppose qu’on puisse aussi les informer. Or, la technocratie est violemment hostile au principe de la feuille de paye vérité. Elle y était hostile sous le prétexte qu’elle conduirait nos concitoyens à utiliser la sécurité sociale, notamment l’assurance-maladie, de façon abusive, dès lors qu’ils verraient que ce système leur coûte beaucoup plus qu’ils ne le pensaient. Ce type de raisonnement, très caractéristique de la haute fonction publique, rappelle l’histoire de ce citoyen soviétique qui voulait visiter la cathédrale de Chartres. Il a demandé un passeport aux autorités françaises pour pouvoir aller de Paris à Chartres ; on lui a répondu que cela n’était pas nécessaire. Ensuite, ce citoyen soviétique demanda une autorisation administrative pour pouvoir acheter son billet de train : même réponse. Il demanda ensuite une attestation ministérielle pour pouvoir réserver une chambre dans un hôtel choisi par l’État : on lui dit que rien de tout cela n’existait en France, qu’il pouvait choisir son hôtel librement. Il répliqua alors, atterré : « Quel désordre ce doit être dans votre pays ! » C’est pourquoi je ne crois pas beaucoup à une réforme de la sécurité sociale, vraiment profonde, compte tenu de ce qu’est le système politique et le marché politique actuel, sans une réforme préalable de nos institutions.

  Il y a une logique des institutions, quelle que puisse être la qualité des dirigeants, c’est la logique de la hausse éternelle des cotisations et du maintien du système centralisé bureaucratique. Toute réforme allant, par exemple, dans le sens d’une réduction autoritaire des prestations, se heurte à des obstacles psychologiques et matériels évidents. C’est ainsi que les socialistes, à court d’argent, ont laissé se créer cette catégorie des nouveaux pauvres, sans assainir pour autant les finances du système et sans remédier aux abus qui lui sont propres. L’expérience nous montre les difficultés, pour un gouvernement et un Parlement, à faire évoluer « la baleine », ce monstre marin issu des temps préhistoriques caractérisé par sa lourdeur proverbiale. En effet, le Parlement n’a plus l’initiative des lois ; dans les faits, c’est le gouvernement qui légifère ; or, celui-ci est aux prises avec une technocratie et des groupes de pression qui ne lui laissent qu’une marge d’action et d’imagination fort réduite, sans parler des media. Je pense donc que le rôle du gouvernement et de son annexe parlementaire n’est pas négligeable, bien entendu, mais qu’il a besoin du stimulant de la participation populaire pour pouvoir évoluer : celle-ci est d’ailleurs une assurance que les réformes pourront être acceptées par l’opinion. La pire des erreurs serait sans doute de vouloir faire une réforme de la sécurité sociale dans un esprit constructiviste et autoritaire, en ignorant les souhaits de l’opinion publique.

  Au fond, les Français sont partisans des trois piliers suisses sans le savoir. L’extrême gauche, qui vise moins à garantir la sécurité sociale qu’à niveler la société par des mécanismes de redistribution créant une population d’assistés, crie évidemment qu’un tel système déboucherait sur une sécurité sociale à deux vitesses. Rien n’est plus faux, car actuellement le système est d’ores et déjà à deux vitesses et au détriment des plus modestes. Est-il normal, d’ailleurs, que des personnes très fortunées bénéficient de prestations qu’elles auraient pu largement couvrir par des assurances personnelles ? Le système dégagé par les institutions réellement démocratiques de nos voisins suisses n’est pas à deux vitesses, mais à plusieurs étages. Tout le monde est assuré, en effet, d’un minimum de solidarité, tout le monde doit compléter ce minimum auprès des caisses privées professionnelles et, enfin, chacun peut s’accorder des garanties supplémentaires, s’il le désire. Mais, à revenu égal, certains préfèrent éventuellement investir dans d’autres directions. Ce système est tout aussi sécurisant que le système français, la différence essentielle est qu’il laisse plus de liberté au citoyen. 

  Il ne faut pas qu’il y ait un seul système à plusieurs vitesses, mais plusieurs systèmes qui permettent de mieux répondre aux besoins, à la fois contradictoires et complémentaires, de sécurité et de liberté. Pour réformer la sécurité sociale, je crois qu’il faudrait au préalable introduire dans nos institutions le référendum d’initiative populaire, de manière que les citoyens puissent se prononcer directement sur les grandes options.