par Yvan Blot
Pour parler de la République, il est logique de commencer par faire référence à l’Antiquité, puisque le mot République vient du latin res publica, dont l’équivalent en grec était politeia. Les deux notions insistent sur l’idée qu’il existe un espace public qui relève de l’État, distinct de l’espace privé qui appartient aux individus. Cette séparation du public et du privé est née historiquement avec la cité grecque, il y a à peu près 2.800 ans. Les anciens Grecs de l’époque archaïque, préhomérique ou homérique, vivaient dans une sorte de société féodale où la famille élargie jouait un grand rôle, et ils ne connaissaient pas cette séparation. Les grands empires orientaux, qui avaient une organisation tout à fait différente, qu’il s’agisse de celui des pharaons en Egypte ou des empires mésopotamiens, l’ignoraient tout autant, puisque les sujets du souverain lui étaient soumis de façon absolue et n’avaient pas la moindre autonomie dans leurs affaires privées. Le mot grec pour dire la République, politeia, est aussi traduit parfois par « gouvernement constitutionnel ». La République, dans ce sens-là, exprime essentiellement le refus de la tyrannie et affirme le règne de la loi ; ce n’est pas l’inverse de la monarchie, c’est une notion différente, et qui est conservée curieusement dans ce que, en France, on appelle la tradition républicaine. C’est la démocratie qui est l’inverse de la monarchie, puisque celle-ci désigne le gouvernement d’un seul, tandis que la démocratie, selon l’étymologie grecque, est le gouvernement du peuple, donc de tous les citoyens. La République ne se confond pas avec la démocratie, puisque celle-ci peut être tyrannique et violer les normes du droit des gens, les droits naturels.
Périclès, dans un texte célèbre de l’Histoire de la guerre du Péloponnèse de Thucydide, évoque ainsi la République athénienne du Ve siècle avant notre ère : « A quel régime devons-nous notre grandeur, à quelles institutions, à quel trait de notre caractère national ? » Il vient d’évoquer la victoire des Athéniens sur les Perses. « Voilà ce que je veux exposer devant vous : la Constitution qui nous régit n’a rien à envier à celle de nos voisins. Loin d’imiter les autres peuples, nous leur offrons plutôt un exemple : c’est parce que notre régime sert les intérêts de l’ensemble des citoyens et pas seulement ceux d’une minorité qu’on lui donne le nom de démocratie. Mais, en ce qui concerne le règlement de nos différends particuliers, nous sommes tous égaux devant la loi. C’est en fonction du rang que chacun occupe dans l’estime publique que nous choisissons les dirigeants. Les citoyens sont désignés selon leur mérite plutôt qu’à tour de rôle. » Cette dernière précision est importante, parce que, pour les Grecs, le seul mécanisme de désignation des dirigeants qui soit vraiment démocratique est le tirage au sort. L’élection est déjà, pour eux, un système oligarchique. Périclès conclut en disant : « Nous nous gouvernons dans un esprit de liberté. » Il oppose ce régime de libertés à celui de Sparte, par exemple, où les citoyens sont pris en charge par l’État, du matin au soir, dans un cadre militaire. Il insiste beaucoup aussi sur l’égalité devant la loi. La liberté, l’égalité : c’est pratiquement la devise de la République française, il ne manque que la fraternité. Mais Périclès aurait pu invoquer son équivalent, la philia : c’est un terme que l’on peut traduire par « l’amitié entre les citoyens ». Aristote dit que c’est ce sentiment de la philia qui fait le ciment d’une cité, qui établit la concorde publique et qui permet d’éviter à la cité de sombrer dans la guerre civile.
Les Grecs avaient donc adopté ces idées de liberté, d’égalité et de fraternité, qui sont le résumé de l’idéologie officielle de la République française, mais ils ne les entendaient pas dans le même sens que nous. La notion de liberté, pour les Grecs classiques, n’était pas l’absence de contraintes, mais un impératif moral et esthétique d’excellence, une qualité de l’homme achevé. La liberté grecque est le contraire du laisser-aller. Elle est une obligation morale, plus qu’un droit. A leurs yeux, tout être humain devait s’efforcer d’être le meilleur possible. L’homme idéal est libre parce qu’il est beau moralement et excellent dans ses talents. On est beau moralement quand on est maître de soi, parce que l’on n’est pas soumis à des passions et des vices, et on est excellent par ses talents quand on a la maîtrise de sa fonction sociale. C’est-à-dire que la liberté s’identifie à une certaine maîtrise de son destin.
La liberté juridique du citoyen n’était pas une condition suffisante pour que l’on puisse dire de quelqu’un qu’il était véritablement libre. Il y a plusieurs façons d’être esclave. Est esclave l’homme soumis à un empereur, comme le pharaon d’Egypte, et c’est pourquoi les Grecs se considéraient comme très supérieurs aux Orientaux, qui n’étaient pas des hommes libres. Mais un homme qui était soumis à ses désirs animaux ou passions était considéré aussi comme un esclave : n’est véritablement libre que celui qui a la maîtrise de soi. Pour les Grecs, il était indigne de renoncer à sa liberté. Celui qui se soumet au tyran ou à l’ennemi extérieur est considéré comme un lâche qui a perdu le sens de l’honneur. Il en est de même de celui qui s’abandonne à ses passions ou ses vices. C’est un être laid, pour les Grecs. Or, le Grec recherche toujours la beauté physique, comme la beauté morale.
L’égalité grecque, de même, est assez différente de celle que nous concevons aujourd’hui : elle est essentiellement une juste proportion. Rien de trop, c’était un adage essentiel d’Apollon, dans le temple de Delphes. L’égalité convient aux égaux et l’inégalité aux inégaux, écrit Aristote dans sa Politique. Si on applique l’égalité à des gens inégaux par volonté de nivellement, Aristote déclare que c’est contre-nature et que c’est par conséquent laid, au sens moral comme au sens esthétique, puisque les Grecs identifiaient la nature et la beauté. Aristote reconnaît deux formes d’égalité dans l’organisation de la cité : l’égalité géométrique, dont le principe est à chacun selon ses mérites, et l’égalité arithmétique, c’est-à-dire l’égalité toute simple, que nous connaissons bien. La cité grecque combine, dans une juste proportion, l’égalité arithmétique, en vertu de laquelle les citoyens ont un droit de vote égal, et l’égalité géométrique, selon laquelle ceux-ci doivent être jugés selon leurs mérites. L’égalité n’est pas le nivellement, qui est un désordre et qui est contre-nature, puisque contre-nature et désordre, c’est pratiquement la même chose pour les Grecs. On peut définir l’égalité grecque comme une juste proportion selon l’ordre naturel.
La fraternité, ou philia, se définit comme une sorte de bienveillance hiérarchisée. C’est une vertu de concorde qui unit les citoyens entre eux, et qui est elle-même régie par des lois. Aristote explique qu’il est naturel, par exemple, que cette bienveillance s’exerce en priorité au sein de la famille, puis à l’égard des amis, enfin à l’égard des compatriotes et, en dernier lieu, à l’égard des étrangers. Aristote le dit crûment dans la Politique : « Il est clair qu’il vaut mieux passer la journée avec des amis et des personnes excellentes qu’avec des étrangers, des premiers venus. » Il serait considéré comme contre-nature de ne pas hiérarchiser cette bienveillance.
Pour les Grecs, la République idéale est régie par une liberté qui oblige l’individu, une égalité qui fait sa place au mérite et une fraternité qui comporte des préférences hiérarchisées. Cet idéal républicain de la cité athénienne, on le retrouve à Rome bien sûr, où il sera longuement développé par Cicéron. A Athènes, on avait la haine des tyrans et il y avait même un monument sur l’agora pour fêter la fin de la tyrannie de la dynastie de Pisistrate. A Rome, on opposait la République à l’ancien régime monarchique qui avait duré de Romulus jusqu’à Tarquin. C’est en réalité beaucoup plus l’exemple romain que l’exemple grec qui a inspiré la Révolution française. La notion de République nous vient de l’Antiquité gréco-romaine, et elle va être revivifiée, mais en même temps profondément transformée, par la Révolution française. Comme on le sait, la République française ne date pas de 1789, puisque le régime politique de 1789 est celui d’une monarchie constitutionnelle et, que, en 1789, pratiquement personne n’avait l’idée d’abolir la royauté. C’est seulement en 1792 que la République va s’imposer, après la fuite à Varennes. Très vite, le régime républicain bascule dans la Terreur, qui atteint son apogée en 1793. Terreur qui d’ailleurs avait été annoncée par certains penseurs extrêmement lucides, comme Burke en Angleterre. La République de Robespierre, bien qu’elle se réfère en permanence à des exemples romains, est, en réalité, une République romantique marquée par une mentalité très différente de celle de l’Antiquité. Robespierre s’est inspiré des écrits de Jean-Jacques Rousseau, qui est, à bien des égards, le fondateur du romantisme, où il a trouvé l’idée de forger un homme nouveau, en faisant table rase des institutions qui ont corrompu la nature humaine pour reconstruire une société parfaite : c’est ce que Hayek appelle le constructivisme.
C’est là que se situe le retournement de l’idéologie républicaine. La République terroriste de Robespierre n’a plus grand chose à voir avec la République, telle que l’entendaient les Grecs et les Romains. Pour les Grecs, à l’origine, c’était l’inverse de la tyrannie, le gouvernement constitutionnel. A partir de 1792-1793, la République devient la couverture idéologique d’un régime tyrannique et constructiviste. Cette République jacobine sera admirée par Karl Marx, ce qui n’est pas étonnant. Les discours des grands auteurs jacobins de la Révolution française ont d’ailleurs été publiés aux Editions sociales, donc aux éditions du P.C.F.. La République française, proclamée en 1792 et qui dérape immédiatement dans la Terreur, préfigure un régime encore plus totalitaire, qui sera celui de l’U.R.S.S., c’est-à-dire de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques. Le régime soviétique se réclamera en permanence de la Révolution française. Avec Robespierre, apparaît une nouvelle notion de République, tout à fait ignorée des Anciens. Formellement, elle se réclame toujours de la devise : liberté, égalité, fraternité. Mais elle va l’entendre dans un sens qui n’a plus grand chose à voir avec ce que je décrivais tout à l’heure, qui était un monde moral plutôt aristocratique d’esprit et fondé sur le sens de l’honneur.
Les trois principes directeurs de cette République robespierriste, et qui continuent à influencer notre République moderne, plutôt que la liberté, l’égalité, la fraternité, sont l’étatisme, l’égalitarisme et le cosmopolitisme.
L’étatisme est l’instrument du constructivisme. Si l’on veut créer un homme nouveau, et faire de l’ingénierie sociale pour créer une société nouvelle, on a besoin de l’État.
L’égalitarisme est le principe qui sert de finalité à ce gouvernement de type constructiviste. Le moteur affectif de tout le courant révolutionnaire, de la Révolution française jusqu’à la Révolution bolchevique, c’est principalement l’envie, qui est la source de l’égalitarisme. C’est ce moteur affectif très puissant qui est utilisé par les hommes politiques pour conforter leur pouvoir et pour justifier en même temps leur volonté révolutionnaire.
Quant au cosmopolitisme, c’est un dérivé de l’égalitarisme ; c’est l’égalitarisme étendu aux relations entre la nation et l’étranger, qui donne aux étrangers les mêmes droits qu’aux nationaux.
La conception de la République qui vient de l’Antiquité gréco-romaine est alors totalement bafouée. La liberté est restreinte au profit de l’État, ce qui peut aboutir à la Terreur. L’égalité, quant à elle, dégénère en égalitarisme. La fraternité devient universelle, et se retourne contre la nation, dont elle était le ciment. Or, c’est cette République dont se réclame en France la très grande majorité des forces de gauche, même si officiellement, sauf peut-être au parti communiste, on ne se réfère pas trop explicitement à la Terreur elle-même. Alors que, pour les Anciens, la République était un gouvernement qui respectait la sphère privée de l’individu et des règles de droit, la République jacobine tend à cultiver la violence, d’une certaine manière.
Elle cultive la violence par son égalitarisme, d’abord, puisque l’égalitarisme contredit la nature humaine. La nature mêle une certaine proportion d’égalité et d’inégalité. A partir du moment où on veut aller dans le sens unique de l’égalitarisme, on est dans le cadre d’une pensée unilatérale ,qui refuse de voir les deux faces de chaque chose. Si l’on ne doit retenir que l’idée d’égalité, on va vouloir égaliser toujours plus. Par conséquent, il faut toujours plus d’autorité pour imposer l’égalité. De là provient la violence du prélèvement fiscal, des confiscations, des nationalisations ; la violence faite aussi aux enfants les plus doués dans un système éducatif qui va devenir autoritairement égalitaire ; la violence faite aux citoyens, quand on attribue aux étrangers des droits supérieurs, au nom d’une prétendue discrimination positive. Même si cela se fait dans le cadre de la loi, il y a bien de la violence dans l’égalitarisme, quand même les tenants de l’égalitarisme se réclament, au contraire, d’une conception anti-violente de l’ordre social.
Et puis, cette République dénaturée, qui nous vient de Robespierre, est aussi violente par son système pénal. Soit elle bascule dans le terrorisme, comme c’est le cas sous Robespierre, soit elle bascule dans l’excès inverse, comme c’est le cas aujourd’hui, avec le laxisme pénal. De 1950 à 1997, le nombre des crimes et délits, en France, est passé de cinq cent mille à quatre millions par an. Il y a des victimes et ce sont bien des victimes de la violence, qui est due, en partie, au régime politique lui-même.
Cette république prend un caractère tyrannique, s’il est vrai qu’est tyrannique le gouvernement qui n’est pas fondé sur la philia, comme dit Aristote, mais sur la violence. Elle est donc le contraire même de la République au sens classique du terme, elle est anti-républicaine.
De 1792 jusqu’à nos jours, on peut dire qu’à partir de Robespierre il y a au fond deux visions de la République : une vision classique, d’un côté, une vision romantique, de l’autre ; une République qui se veut conforme aux lois permanentes du Cosmos, et, au contraire, une République qui se veut révolutionnaire, qui promet l’avènement d’un homme nouveau. Ces deux Républiques sont incompatibles.
L’esprit révolutionnaire aurait été considérée par la pensée classique grecque comme une maladie du corps social. Les philosophes athéniens admiraient Sparte, non pas à cause de son militarisme, qu’ils critiquaient, mais à cause de la stabilité de son régime, qui n’a pas changé du VIIIe siècle avant Jésus-Christ jusqu’à la conquête romaine, donc pendant près de huit cents ans. Or, c’était un système mixte qui était à la fois, et partiellement, monarchique, aristocratique et démocratique. D’où la thèse d’Aristote selon laquelle les bons régimes politiques, qui sont stables, sont des régimes mixtes. Aristote, dans la Politique, se préoccupe des moyens d’éviter les ruptures politiques, les stasis, que nous appelons les Révolutions, et qui sont génératrices de guerres civiles, et il dit : « Pour éviter cela, il faut que le peuple soit ethniquement homogène, que les classes moyennes soient très nombreuses, et que le régime politique n’exclut absolument personne, en faisant une part au mérite. » Donc, il faut un régime politique mixte, avec une composante de démocratie, ce qui fait que tout le monde est représenté, mais aussi une composante aristocratique, pour que les meilleurs aient une juste place, et puis, éventuellement, une composante monarchique.
L’interprétation romantique, constructiviste, révolutionnaire de la République déborde largement la gauche, aujourd’hui. Si elle se résume dans les trois mots : étatisme, égalitarisme et cosmopolitisme, on voit qu’en France une bonne partie de la droite est puissamment influencée par de telles idées. Je me souviens, dans une vie antérieure, si je puis dire, d’une discussion que j’ai eue avec Alain Juppé à ce sujet, il y a au moins dix ans, où il me disait : « Je suis profondément cosmopolite. » Il n’est pas étonnant que la droite technocratique, même si elle se prétend libérale, ait une pratique étatiste, c’est dans sa nature, et, quant à l’égalitarisme et au cosmopolitisme, ils constituent aujourd’hui la substance même de ce que l’on appelle le « politiquement correct ». L’opposition entre la gauche et une certaine droite, ou ce qu’il est convenu d’appeler ainsi, est purement fictive, elle ne sert qu’à tromper le peuple : on peut se demander qui a été plus socialiste, dans la réalité de la politique économique, par exemple, d’Alain Juppé ou de Pierre Bérégovoy.
Pour essayer de sortir de la confusion actuelle, je voudrais rappeler l’exemple de la IIIe République, parce qu’il est assez intéressant et assez proche de nous. La devise de la IIIe République, du moins pendant la période où elle fonctionnait bien, c’est-à-dire jusqu’à la guerre de 1914/1918, aurait pu être : liberté, mérite, nation, c’est-à-dire l’inverse des principes de la République actuelle, qui seraient plutôt étatisme, égalitarisme et cosmopolitisme. La IIIe République était libérale, et le prélèvement fiscal était faible à l’époque. De plus, elle n’était pas égalitaire, mais, au contraire, elle encourageait publiquement le mérite à tous les niveaux. Il y avait alors le culte de l’émulation à l’école, les classements, les prix d’excellence. On attachait une très grande importance à recevoir une décoration de l’État. Enfin, la IIIe République était nationaliste. La ferveur patriotique parcourait l’ensemble du corps social, et c’est ce qui a permis à la France de soutenir un effort héroïque et de vaincre l’ennemi, lors de la Première guerre mondiale. Aujourd’hui, la IIIe République apparaît comme pétrie de valeurs de droite.
Il y avait bien sûr une gauche et une droite, sous la IIIe République, mais la gauche radicale était surtout anticléricale, et la droite, par opposition, plutôt catholique, et, mis à part la querelle religieuse, tout le monde acceptait la trilogie liberté, mérite, nation. Les valeurs de la civilisation classique faisaient l’objet d’un consensus, parce que toutes les élites avaient été formées au grec et au latin, dans l’esprit de la philosophie classique. Ce consensus n’existe plus, par suite de l’influence considérable qu’a eue le marxisme, qui a brisé le cadre de la culture classique afin de nous couper du passé. Si les dirigeants de la IIIe République, comme Jules Ferry et Georges Clemenceau, par exemple, revivaient aujourd’hui, ils seraient indiscutablement classés à l’extrême droite et leurs discours tomberaient sous le coup de la loi Pleven. Pourtant, Ferry ou Clemenceau se voulaient de gauche, parce qu’ils s’opposaient à la conception cléricale et à la tradition monarchiste, qui étaient encore très fortes.
En conclusion, peut-on dire, comme le suggérait le sujet au départ, que la République est une valeur de droite ? Face aux déformations que la gauche a apportées au modèle républicain, il apparaît que notre mission est peut-être de conduire le pays vers un retour à la pensée classique en la matière, que l’on pourrait appeler un classicisme républicain. Le premier classicisme est celui de la Grèce, au Ve siècle avant notre ère. Le deuxième est celui de Rome à son apogée, à l’époque d’Auguste, à la charnière de la République et de l’Empire. Et puis il y a eu ce que l’on pourrait appeler un « classicisme médiéval », qui est celui du XIIIe siècle, l’âge des cathédrales et des universités. Le quatrième classicisme est celui du XVIIe siècle, le siècle de Louis XIV. Ce dont nous avons besoin aujourd’hui est l’apparition d’un cinquième classicisme, qui pourrait s’épanouir dans le cadre des institutions républicaines.
Les valeurs du classicisme sont considérées par la gauche comme des valeurs de droite. Dans le cadre de la pensée classique, la République est fondée sur les valeurs de l’excellence, du mérite personnel, de la bienveillance hiérarchisée, et cette République peut être considérée indiscutablement comme une notion « de droite ». Mais ce n’est pas du tout les valeurs qui sont défendues aujourd’hui par la fausse droite. D’où un reclassement politique général qui est probablement nécessaire et auquel nous devons nous employer. Mais, comme disait Kipling, cela est une autre histoire.