L’altermondialisme, ou les nouveaux habits de la vieille gauche

Par Jacques de Guenin

I – Qui sont les altermondialistes ?

Voici une liste de rencontres internationales, choisies arbitrairement, et portant sur des sujets divers :

Birmingham1998G7
Cologne1999G7
Seattle2000OMC
Washington D.C.2000FMI-BM
Gênes2001G7
Porto-Alegre2001Forum
Qatar2001WTO
Florence2002FSE
Cancún;2003OMC
Evian2003G8

etc.

Existe-t-il un lien entre ces diverses manifestations ? Oui, il en existe un : ce sont les hordes qui marchent à travers les rues en déployant des slogans débiles, en poussant des cris cadencés, et à l’occasion en cassant des vitrines.

Ces hordes appartenaient à des associations qui se sont d’abord appelées antimondialistes. Puis elles se sont aperçues qu’il y avait une contradiction sémantique entre cette appellation et leur activité internationale, ainsi qu’avec l’universalité messianique qu’elles attribuent à leur message. Aussi ont-elles décidé, il y a quelques années, de se dire « altermondialistes« .

Voici quelques exemples de ces associations.

En Europe :

  • ATTAC ;
  • Confédération Paysanne, le syndicat de José Bové ;
  • Jubilee 2000, qui est pour l’abandon de la dette des pays du tiers monde ;
  • Les syndicats gauchistes, notamment la CGT, qui est communiste, et SUD, qui est trotskiste ;
  • Friends of Earth, en France, Les Amis de la Terre, écologistes et, bien sûr, anti-OGM  ;
  • Greenpeace, on connaît ;
  • Reclaim the Streets, un mouvement écologiste radical anglais qui est pour la suppression des voitures dans les rues des villes et contre la construction de nouvelles routes.

Ailleurs :

  • Direct Action Network, un réseau créé en 2000 pour coordonner les différentes hordes qui se sont produites à Seattle ;
  • AFL-CIO. Mais oui ! Les fameux syndicats américains. Et pourquoi, à votre avis ? Pour s’opposer à la concurrence étrangère et aux délocalisations ;
  • Jobs with Justice, un syndicat gauchiste créé pour s’occuper des employés de la Silicon Valley ;
  • Jubilee South, le pendant de Jubilee 2000 en Amérique latine ;
  • Chiapas/Zapatists/MST, des mouvements latino-américains pour pousser aux réformes agraires ;
  • Vía Campesina, d’honorables paysans du tiers monde favorables à la réforme agraire, aux cultures biologiques et à l’élimination des barrières protectionnistes ;

etc.

Qu’est-ce que ces associations ont de commun ?

Elles sont :

  • contre « la mondialisation libérale » ;
  • pour l’annulation des dettes des pays du tiers monde ;
  • pour une meilleure protection de l’environnement ;
  • contre l’industrie, les entreprises, en particulier les multinationales ;
  • contre le développement.

Leurs leaders sont des marxistes ou même des trotskistes.

Les associations altermondialistes se composent, selon le schéma révolutionnaire classique, d’une « avant-garde » de conviction marxiste, variété communiste ou trotskyste, et d’une cohorte « d’idiots utiles », au sens de Lénine, appâtée par des objectifs édifiants, comme l’aide aux pays pauvres, lesquels, comme on le sait, sont pauvres à cause de l’exploitation des entreprises capitalistes et non pas des tyrans, le plus souvent marxistes, qui sont à leur tête.

Les dirigeants de ces associations ont compris qu’ils ne pouvaient plus séduire les gogos avec la vulgate marxiste. Le communisme, qui fut l’immense espoir de toute une génération, a donné naissance aux régimes les plus abjects de toute l’histoire de l’humanité, en URSS, en Chine, au Vietnam, au Cambodge, en Corée du nord, à Cuba et autres lieux. Lorsque la vérité sur ces régimes a explosé, beaucoup de militants de gauche, qui avaient tant donné d’eux-mêmes pour promouvoir leurs croyances, ont été comme assommés. Le génie des dirigeants dits altermondialistes a consisté à les récupérer, en exploitant leur crédulité et en lui donnant un point d’application nouveau, au mépris, classique chez les dirigeants communistes, de la vérité. Le langage tenu à ces braves gens pourrait se résumer ainsi : « Hélas, notre belle philosophie a été détournée à leur profit par des dictateurs avides de pouvoir ! Mais votre idéal, lui, est toujours valable. » D’une certaine façon, ces associations sont des voitures-balais destinées à récupérer tous les “paumés” du communisme.

Leur but réel est la destruction du capitalisme et de la démocratie libérale.

Mais tous ces altermondialistes sont incohérents.

D’abord, entre associations : d’accord sur certains objectifs, ils diffèrent sur d’autres.

Exemples : Jubilee 2000, qui veut supprimer la dette des pays du tiers monde, sous certaines conditions, et Jubilee South, qui veut la supprimer, sans conditions ; AFL-CIO, qui est protectionniste, et Vía Campesina, pour la libre pénétration des produits du tiers monde sur les marchés occidentaux.

S’ils manifestent ensemble, c’est pour :

  • cacher leurs différences ;
  • enfler le nombre de manifestants et donner une impression de puissance ;
  • jouir d’un sentiment d’existence et de camaraderie.

Mais ils sont aussi incohérents de manière interne :

  • ils sont plus ou moins anarchistes, mais aucun de leurs objectifs ne peut être atteint sans une intervention accrue de l’Etat ;
  • ils sont contre les organisations internationales, mais aucun de leurs objectifs ne peut être atteint sans organisations internationales.

II – Pourquoi sont-ils dangereux ?

Parce que :

  • ils répandent des idées fausses ;
  • ils ont des moyens de propagande importants ;
  • ils touchent un large public ;
  • ils nous coûtent cher.

C’est ce que je vais maintenant essayer de démontrer, en prenant comme exemple celle de ces associations que je connais le mieux et qui se trouve être la plus importante, au moins en Europe, j’ai nommé ATTAC (Association pour la taxation des transactions financières pour l’aide aux citoyens).

Ils sont une trentaine de mille en France, autant dans le reste du monde. On n’y trouve guère d’ouvriers, d’artisans, d’agriculteurs ou de commerçants, c’est-à-dire de personnes qui croient naïvement que, pour survivre, il faut produire des biens et des services que les autres veulent bien acheter, mais plutôt des enseignants, des étudiants et des fonctionnaires.

Ils répandent des idées fausses.

Voici une liste des principaux sujets sur lesquels ils émettent des affirmations fracassantes, mais fausses. Je ne vais pas les traiter en détail. Ils le sont dans mon livre, ATTAC, ou l’intoxication des personnes de bonne volonté. Je me bornerai ici à un survol rapide.

  • La taxe Tobin et l’aide aux pays pauvres. La taxe Tobin est censée servir à l’aide aux pays pauvres. En fait, elle serait contre-productive. Tobin lui-même a rejeté l’usage que fait ATTAC de son idée. ATTAC ne dit nulle part comment il faudrait s’y prendre pour aider effectivement ces pays, ce qui montre que ces gens sont beaucoup plus intéressés par les entraves au capitalisme que par le sort des pays pauvres. (Mon livre, lui, s’intéresse aux pays pauvres, mais montre que les seuls moyens de favoriser leur développement sont totalement contraires à l’idéologie d’ATTAC.)
  • Les investissements effectués par les multinationales ;
  • et les OGM (organismes génétiquement modifiés), violemment combattus par ATTAC.
  • Les organisations internationales (FMI, Banque Mondiale) ne sont pas non plus en odeur de sainteté chez les libéraux, mais les critiques d’ATTAC pèchent par naïveté et inconséquence.
  • L’Education nationale. Elle est censée favoriser le libéralisme…
  • La répartition des revenus des entreprises et des gains de productivité, qui se feraient toujours au détriment des travailleurs.
  • Le système de santé. Il font une attaque totalement dépourvue de fondement contre les cliniques privées.
  • Les retraites. Les tenants du système par capitalisation sont traînés dans la boue. (Rassurez-vous, cela ne m’empêche pas de démontrer dans mon livre que ce système est beaucoup plus favorable au travailleur.)
  • L’eau.
  • L’exception culturelle.

Ils ont des moyens de propagande importants.

  • Le Monde diplomatique. Hebdomadaire très prisé chez les étudiants. On y interprète à longueur de numéros tous les malheurs de la pauvre humanité souffrante comme le résultat du capitalisme, de préférence américain.
  • Alternatives économiques. Une revue sur papier glacé, agréablement illustrée, qui adopte un ton modéré propre à plaire aux professeurs, car elle est très présente dans les salles des professeurs. De nombreuses statistiques font sérieux. Mais cette modération apparente dissimule une propagande marxisante, anti-libérale et, pour faire bon poids, anti-américaine.
  • L’Education nationale. Les enseignants sont majoritairement de gauche et bien conditionnés par Le Monde diplomatique et Alternatives économiques. On ne s’étonnera donc pas qu’ils véhiculent les idées altermondialistes en histoire et géographie, en philosophie et, bien sûr, en économie dans les grandes classes du secondaire. Mais, ce qu’il y a de terrible, c’est que les programmes eux-mêmes sont imprégnés de concepts marxistes. On en trouvera des exemples étonnants dans mon livre.
  • Des livres. ATTAC vient d’en publier un en 2004… Mais ils sont bien bons de se fatiguer, car il paraît environ un livre par mois sur la mondialisation, tous plus défavorables les uns que les autres au libéralisme. Le seul défavorable à ATTAC qui soit paru ces dernières années est le mien.

Ils touchent un large public.

Les idées altermondialistes pénètrent la plupart des media et tous les partis politiques, même les partis de droite, y compris le Front national.

Prêts à vendre leur âme pour gagner quelques voix, les hommes politiques subventionnent ATTAC à qui mieux mieux et se prostituent avec leurs leaders. Laurent Fabius, cet ancien Premier ministre réputé si intelligent, a pris ostensiblement son petit déjeuner avec José Bové, le jour de l’inauguration du “Forum Social Européen”, en 2003.

Ils atteignent jusqu’aux plus hautes sphères de l’Etat.

Notre président de la République a reçu Bernard Cassen (président d’ATTAC et directeur général du Monde diplomatique) à l’Elysée en 2002 et il s’est même transformé, en 2004, en porte-parole des altermondialistes à l’ONU, au nom de la France, bien entendu.

Ils nous coûtent cher.

Ils reçoivent de plus en plus de subventions : de l’Etat, de certains conseils généraux et d’une soixantaine de municipalités françaises, dont les habitants ne connaissent pas nécessairement cette destination de leur argent.

Le pouvoir dit de droite, avec l’argent des contribuables, a littéralement arrosé ATTAC. Cela a commencé à Evian, où notre apprenti sorcier de gouvernement a distribué ses largesses aux gens d’ATTAC – pour qu’ils se tiennent sages pendant le G8, dit-on -. Mais ce n’est rien en comparaison de ce qu’ATTAC a obtenu pour la préparation du Forum Social Européen qui a eu lieu du 12 au 15 novembre 2003 à Saint-Denis : 2.500.000 euros d’aides indirectes en locaux et moyens matériels ; 2.330.000 euros de subventions directes (dont 1.000.000 euros de la Ville de Paris ; 480.000 euros en provenance des conseils généraux ; 250.000 euros de Matignon ; 250.000 euros de la part du Quai d’Orsay et 300.000 euros du conseil régional) ! Il n’y a plus de limites au gaspillage de l’argent public.

L’Etat soutient aussi ATTAC de manière indirecte. Plusieurs des permanents sont, ou ont été, des emplois-jeunes. Et, alors que l’on nous rebat les oreilles sur le manque d’enseignants, plusieurs sont détachés à ATTAC pour des tâches diverses, telles que la tenue du site informatique.

 ATTAC n’est pas le seul bénéficiaire de ces largesses, tant s’en faut. Nous vivons dans un pays dit démocratique où les politiciens utilisent les contraintes de l’Etat pour obliger les contribuables à financer des groupes de pression qui heurtent nos convictions les plus intimes en vociférant à nos frais.

Les altermondialistes sont aussi fortement aidés par les syndicats. Dans un pays donné, les syndicats locaux fournissent les gros bataillons de la manifestation. Un groupe de syndicats européens a créé des « fonds de solidarité internationale », qui servent en partie à aider des groupes altermondialistes. Ces fonds sont, d’ailleurs, alimentés directement par des subventions gouvernementales, c’est-à-dire, une fois encore, par nous, les contribuables. Reconnaissons que ceux d’entre nous qui aiment le spectacle à la télévision en ont pour leur argent, et retroussons nos manches, afin de permettre, grâce aux impôts sur notre travail, de nouveaux spectacles dans les prochaines rencontres internationales.

Conclusion : comment les combattre ?

  • En contribuant à la diffusion de mon livre.

Cette suggestion peut paraître incongrue, mais elle l’est moins, si l’on sait que ce livre ne me rapporte rien, qu’il m’a été difficile de trouver un éditeur et que cet éditeur n’est pas dans les grands circuits de distribution, alors que les livres complaisants vis-à-vis des altermondialistes fleurissent chez tous les libraires.

  • En vous intéressant à ce qu’on enseigne à vos enfants et petits-enfants.

Il faut lutter contre la désinformation répandue par l’Education nationale auprès des jeunes cervelles malléables, à un âge où l’on ne met pas en doute l’enseignement des professeurs. Il faut que vous vous intéressiez au manuels scolaires d’histoire et géographie, de philosophie, et surtout de cette horreur qu’on enseigne sous le nom d’économie dans les sections dites économiques et sociales de la fin du secondaire.

Quand vous découvrez des anomalies, il faut en parler avec d’autres parents. Il faut écrire à S.O.S.-Education, une association capable de créer un mouvement d’opinion et de le faire remonter jusqu’au ministre.

  • En reprenant l’offensive et en se réappropriant la morale.

Vous avez sûrement remarqué que la gauche nous place toujours sur la défensive, en faisant appel à la morale. Les libéraux, les capitalistes, les gens de droite, sont des égoïstes qui n’ont aucune considération pour les travailleurs et les exclus. Ne parlons pas des militants du Front national, qui sont au choix des “racistes”, des “nazis”, ou des “fascistes”.

Il ne faut plus nous laisser faire. Il faut reprendre l’offensive dans l’exposé de nos idées, ce que nous, les libéraux, toujours respectueux des sentiments des autres, nous ne faisons pas volontiers.

Il faut affirmer, partout et sans complexe, que le libéralisme est la morale de la responsabilité, et du respect de la liberté des autres.

Il faut affirmer que c’est aux libéraux que l’on doit la séparation des pouvoirs, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la lutte tenace et finalement victorieuse contre l’esclavage, les sociétés de secours mutuel, les bourses du travail, la liberté syndicale, le droit de grève et la liberté du travail.

Il faut affirmer que les sociétés qui appliquent la morale libérale ont toujours été, dans tous les temps et sous tous les cieux, les sociétés les plus prospères, comme elles sont les plus tolérantes, les plus ouvertes et les plus humaines, alors que les sociétés socialistes ont toujours été les plus cruelles, les plus inégales et les plus pauvres.

Il faut affirmer que le libre-échange, comme la concurrence, profite toujours au plus grand nombre, en particulier aux plus pauvres, et le protectionnisme aux puissants. Que le libre-échange favorise aussi les relations pacifiques entre les peuples. Que les réductions d’emploi qu’il provoque parfois ne seraient pas graves, si l’Etat favorisait les adaptations, au lieu de les freiner.

Il faut affirmer qu’il est profondément injuste de récompenser le paresseux et brimer celui qui se donne du mal. De récompenser de la même façon celui qui fait n’importe quoi et celui qui réfléchit.

Il faut affirmer que le SMIC a pour premier résultat de priver de travail les personnes inexpérimentées ou handicapées.

Il faut affirmer qu’une personne en bonne santé qui prend sa retraite à 55 ans dans un régime de répartition est un parasite de la société.

Il faut affirmer que tout avantage nouveau obtenu par un employé de la fonction publique l’est au détriment des autres membres de la société.

Il faut affirmer que les seules inégalités vraiment injustes sont les inégalités devant la loi, qui profitent aux hommes politiques et aux fonctionnaires, et les inégalités qui résultent du vol ou de la coercition, qui sont soit le fait de l’Etat, soit le fait que l’Etat ne fait pas son travail.

Il faut affirmer que le communisme a toujours été un parti d’extrême gauche, et non pas un parti de la gauche républicaine.

Enfin, il ne faut pas avoir honte d’affirmer que les partis dits d’extrême droite, avec tous leurs défauts, que je mesure mieux que personne, en tant que libéral, ont fait jusqu’ici beaucoup moins de mal à l’humanité que ceux d’extrême gauche.